Madame Samaké est proviseure d’un lycée de l’académie de Sikasso, au Mali.
Il y a plus d’un an, elle avait été informée que le ministère allait déployer dès la rentrée suivante un projet ambitieux pour améliorer les enseignements-apprentissages de sciences et redynamiser les filières scientifiques des lycées. Ayant elle-même enseigné la physique-chimie pendant près de 30 ans, elle était particulièrement enthousiaste à l’idée d’en faire profiter son lycée. Elle avait donc contacté les IPRES (Inspecteurs Pédagogiques de l’Enseignement Secondaire) du domaine SMT (Sciences, Mathématiques, Technologies) pour leur demander de l’aider à mettre en œuvre ce projet avec les meilleures chances de réussite.

Avant même la date de la rentrée scolaire, prévue le 1er octobre, elle avait déjà une assez bonne idée de la manière dont elle pourrait sensibiliser ses collègues-enseignant.e.s à l’importance de s’engager dans ce projet, mais elle ne voyait pas trop comment s’y prendre concrètement pour les mobiliser dans la durée. Elle a donc demandé l’appui des IPRES, qui se sont rendus au lycée dès la première semaine d’octobre. Elle raconte : 

J’ai vraiment apprécié la disponibilité des inspecteurs avec qui nous avons pu organiser toute une après-midi de travail. Tous mes collègues de l’équipe de direction, y compris l’économe, y ont participé, ainsi que les responsables pédagogiques du domaine SMT, de même que deux autres personnes dont les compétences nous ont paru être un plus pour le projet. En fait, ce projet va aider les professeurs de sciences à enseigner selon l’APC (l’Approche Par Compétences), ce qui jusqu’ici est loin d’être le cas pour la grande majorité d’entre eux, et aussi à rendre les cours plus actifs et plus stimulants pour nos lycéens. Pour cela, les professeurs de sciences ont tous reçu à la rentrée un kit pédagogique constitué d’un guide pratique transversal et des guides pratiques de leur discipline, pour les niveaux dixième, onzième et douzième. En plus de ces guides, qui constituent vraiment une aide précieuse, ils bénéficient aussi d’une plate-forme d’auto-formation qui fourmille de ressources complémentaires pour enrichir et diversifier leurs cours, notamment des ressources audio et vidéo. Ma grande interrogation, c’était de savoir comment ils allaient accéder à cette plate-forme et s’en servir de façon efficace. Je tenais en effet à ce que ce projet ait un impact réel et durable sur les conditions et les résultats d’apprentissage de nos élèves dans les matières scientifiques. 

La réunion de travail avec les inspecteurs nous a vraiment été utile au-delà même de ce que nous pouvions espérer. Ils nous ont conseillé de faire de ce projet un axe prioritaire de notre projet d’établissement, en définissant quelques actions faciles à réaliser dès les premières semaines de la rentrée. Avec leur aide, nous avons défini notre première action, qui consistait à effectuer le bilan des TIC que les professeurs de sciences utilisent au sein du lycée et à l’extérieur ainsi que des compétences dont ils disposent et de celles qu’ils souhaitent améliorer. Pour cela, nous avons eu recours au cahier Apréli@-PartaTESSA intitulé Piloter l’usage des TIC dans votre établissement, en adaptant les questionnaires qui y figurent dans les tableaux R1. 1 et R1.2 en annexe.[1] Nous avons décidé de terminer cette première action la 4ème semaine d’octobre. Suite au dépouillement des réponses aux questionnaires, nous nous sommes rendu compte qu’un bon nombre d’enseignants avaient besoin d’une aide urgente pour être en mesure d’accéder à la plate-forme, alors que d’autres étaient très à l’aise avec de nombreux outils numériques. Avec la même équipe que celle qui avait travaillé avec les inspecteurs, nous avons décidé de réunir l’équipe pédagogique du domaine SMT pendant toute une après-midi, début novembre, afin que celle-ci définisse une action visant à faire en sorte que tous les professeurs de sciences soient en mesure de se connecter à la plate-forme et à se servir de toutes ses fonctionnalités avant fin novembre. L’équipe du domaine a effectivement établi un plan qui nous a semblé tout à fait réalisable ; elle s’était appuyée sur les professeurs les plus à l’aise avec les outils numériques pour mettre en place un dispositif d’accompagnement de leurs collègues au sein du lycée, en utilisant les heures allouées par le ministère aux comités pédagogiques de domaine. Effectivement, lorsque nous avons fait le bilan lors de l’après-midi pédagogique de début décembre, nous nous sommes réjouis de constater que tous les professeurs de sciences avaient réussi à utiliser la plate-forme, d’une manière ou d’une autre, certains avec leurs smartphones, d’autres avec les PC de notre salle informatique. Cette réunion nous a permis de mettre sur pied le descriptif de la 3ème action, qui consistait à s’appuyer sur des professeurs déjà familiers de l’intégration pédagogique du numérique à aider leurs collègues moins à l’aise. Pour mener à bien cette nouvelle action, d’un degré de difficulté nettement supérieur aux deux premières, nous avons eu la chance de bénéficier de l’appui des IPRES ; ceux-ci se sont rendus disponibles pour accompagner les personnes-ressources que nous avions identifiées dans les différentes disciplines, à la fois par téléphone et par le bais du forum de la plate-forme. En plus de ces échanges à distance, nous avons aussi pu organiser quelques réunions dans le lycée entre personnes-ressources internes et personnes-ressources externes. Ça a été l’occasion d’une coopération très fructueuse entre notre lycée et la tutelle pédagogique académique. Nous avons aussi pu voir que certains professeurs participaient très activement aux forums de leur discipline et qu’ils en retiraient d’excellentes idées, très utiles pour leurs pratiques, en échangeant avec des collègues distants, d’autres académies du Mali, et même parfois, avec des collègues du Sénégal, de Côte d’ivoire, du Burkina, et d’autres pays encore ! C’est toute une dynamique d’échanges et d’entraide qui s’est mise en place, au sein du lycée et au-delà. Elle a permis aux professeurs de sciences de dresser une liste d’actions qu’ils veulent mettre en œuvre au sein des comités de discipline et du comité du domaine SMT. Avec mes collègues de l’équipe de direction, nous avons demandé aux comités s’ils pouvaient, à partir de ces actions, proposer un plan de développement des enseignements-apprentissages en sciences sur trois ans. Avec l’aide des IPRES, nous nous sommes alors appuyés sur ce plan pour faire du développement des sciences un axe prioritaire de notre projet d’établissement.  

Finalement, je me rends compte que ce projet a permis de transformer mon lycée en une véritable CAPE (Communauté d’Apprentissage Professionnel Élargie). Avant, les professeurs venaient juste pour dispenser leurs cours, et repartaient au plus vite. C’est à peine s’ils se connaissaient entre eux, c’était un peu la règle du chacun pour soi, Maintenant, ils travaillent en équipe, ils se soutiennent, ils s’entraident. Avec mes collègues de l’équipe de direction, nous sommes à leur écoute et nous parvenons toujours à trouver des solutions pour les soutenir. Je peux vous dire que les élèves apprécient la différence ! Ils ont eux-mêmes bien changé et se montrent bien plus actifs et épanouis dans les cours de sciences. D’ailleurs, les demandes de fin de dixième pour une onzième scientifique ont bondi de 60 % ! Pour nous, ce chiffre est le vrai indicateur de réussite de notre projet. C’est un bel encouragement pour démarrer la deuxième année de notre projet d’établissement « Sciences ».

 

Cette étude de cas montre comment la CAPE articule l’ADPC de chacun des acteurs de l’établissement avec le développement collectif de l’établissement lui-même, en tant que structure apprenante. L’établissement est placé au cœur des processus d’ADPC et met en œuvre, en son sein et en réseau de pairs proches et distants, un modèle innovant d’apprentissage et de développement professionnel continu collaboratif de l’ensemble des acteurs. Cette définition est celle d’Apréli@ dans linitiative ACQA

Ce chapitre vous a permis de faire le tour des éléments à considérer pour faciliter la mise en place d’un programme d’ADPC, tant dans son organisation que dans le soutien à apporter aux collègues qui vont en assurer la bonne conduite. Certains aspects peuvent sembler ambitieux. Il est important de dresser une liste de priorité selon les conditions en place dans chaque établissement.

Modifié le: mercredi 28 décembre 2022, 17:50